A l'honneur de cette troisième édition, l’une des grandes figures de la musique d’aujourd’hui : le Français Hugues Dufourt. Parallèlement, quatre œuvres nouvelles seront créées lors des concerts réunissant les 5 Ensemble(s), commandes du festival à la compositrice Sofia Avramidou et aux compositeurs Sébastien Gaxie, Mauro Lanza et John O’Gallagher.
Hugues Dufourt

Hugues Dufourt © A. Krager
France -1943
Hugues Dufourt privilégie les continuités et les lentes transformations d’un discours musical qui n’est que rarement interrompu. Il conçoit des formes par évolution de masses et travaille sur les notions de seuils, d’oscillations, d’interférences et de processus orientés. Pionnier du mouvement spectral, il lui accorde toutefois une définition plus large, cherchant à mettre en valeur l’instabilité que le timbre introduit dans l’orchestration. Sa musique repose sur une richesse de constellations sonores et harmoniques et s’appuie sur une dialectique du timbre et du temps. Il puise une partie de son inspiration dans l’art pictural, dont il retient essentiellement le rôle de la couleur, des matières et de la lumière.
Pianiste de formation, Hugues Dufourt étudie la composition à Genève avec Jacques Guyonnet et est par ailleurs agrégé de philosophie (1967).
Après avoir enseigné à l’Université de Lyon, il entre au CNRS où il devient directeur de recherche (1973-2009). En 1977, avec Alain Bancquart et Tristan Murail, il crée le Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore (Criss) et a été l’un des responsables de l’ensemble L’Itinéraire (1976-1981). En 1989, il crée la formation doctorale Musique et musicologie du XXe siècle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qu’il dirige jusqu’en 1999.
Il a reçu de nombreux prix, notamment en 2000 le Prix du Président de la République pour l’ensemble de son œuvre, décerné par l’Académie Charles Cros.
Ces dernières années, il a composé des œuvres aux formations diverses, du piano seul au grand orchestre, en passant par des petites formations ou les percussions.
Sofia Avramidou
Sofia Avramidou concentre son travail sur l’écriture du timbre, sur l’évolution de la forme et des flux. À ce titre, son œuvre s’inscrit dans la tradition spectrale. Dans ses compositions elle développe également une dramaturgie des contrastes. Elle aborde le son comme un matériau sensible, et s’attache à rechercher des textures et des sonorités nouvelles.
Diplômée de l’Université Aristote de Thessalonique (Grèce) et de l’Académie nationale de Santa Cecilia à Rome (Italie), dans la classe d’Ivan Fedele, elle suit les cours de composition électroacoustique et instrumentale au Conservatoire à rayonnement régional de Boulogne-Billancourt de 2017 à 2019, puis, en 2019/20, le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam. Parallèlement, elle participe à de nombreuses master class en composition et a remporté des prix dans différents concours.
Elle reçoit des commandes et des propositions de collaboration de la part de différents ensembles renommés et, en 2018, elle est sélectionnée pour composer un opéra de chambre pour la Biennale de Venise. Elle compose également pour l’image, et crée notamment la musique du film Obscuro Barroco de la réalisatrice Evangelia Kranioti, qui a reçu le Teddy Award du Festival international de cinéma de Berlin en 2018.
Ses compositions sont jouées principalement en Europe et aux États-Unis.
Grèce -1988

A hug to die
-création mondiale
commande du Festival Ensemble(s), avec le soutien de la Sacem
A hug to die est inspiré de The Pillowman du dramaturge britannique Martin McDonagh. La pièce se concentre sur l’exploration et le développement du timbre, encadré par une dramaturgie de contrastes intenses et de transitions continues qui créent un flux entre équilibre et déséquilibre.
Grâce à l’utilisation nuancée du timbre, plusieurs textures sont construites, ce qui génère un environnement sonore initial compact et organique. Au fur et à mesure que la pièce se développe, cette uniformité se juxtapose à des structures sonores indomptées et irrégulières constituées de rythmes intenses et répétitifs, qui suscitent un sentiment d’agonie et de tourmente.
Sur le plan poétique, la pièce explore l’aliénation profonde des relations humaines et la dégradation de l’innocence de l’enfance, en traitant de la logique comme de l’absurde, du réel et du surréel, du pur et du cynique, oscillant constamment entre rêve et cauchemar.
Sébastien Gaxie

Colorful waves
-création mondiale
commande du Festival Ensemble(s),
avec le soutien de la Fondation Francis et Mica Salabert
Colorful waves est une pièce pour cinq musiciens classiques et un quintet de jazz. C’est un retour pour moi vers ce genre qui ne m’a jamais quitté mais dans lequel je n’ai présenté aucun projet public depuis une dizaine d’années.
Dans les prémices de cette œuvre, il m’était compliqué d’accepter qu’il puisse y avoir de l’improvisation. J’aime improviser mais quand je compose c’est un désir inverse : celui de noter tout précisément au moindre millimètre. Écrire « improviser » pour un compositeur a quelque chose de frustrant. Pour Colorful waves, il fallait donc que je me reconnecte avec le jazz et que je pense une structure « pertinente » pour l’écrit permettant l’improvisation. Ce ne fut pas une mince affaire, tout autant qu’accepter l’idiome tonal/modal toujours d’actualité dans le jazz mais qui relève d’un tabou pour un compositeur de musique dite « contemporaine ».
Au départ il y avait donc ambivalence. Puis il y a eut rencontre avec l’œuvre tant musicale que théorique de George Russell dont j’ai toujours adulé le disque Ezz-thetics de 1961. George Russell était batteur et pianiste, puis il s’est tourné vers la composition, l’arrangement et la théorie suite à des problèmes de santé. Il a côtoyé et influencé les plus grands musiciens : Miles Davis, Eric Dolphy, Bill Evans, la liste court sur un demi-siècle. C’est LE grand théoricien du jazz qui permet de saisir toute la tonalité élargie des compositeurs du début du XXe siècle, mais qui conduit aussi à prendre conscience de l’énorme apport du jazz avec ce matériau. Face à l’élégance de cette théorie, l’interdit schönberguien, malgré la force de sa musique, fait pâle figure.
C’est une théorie consubstantielle à une praxis. Russell, dans Lydian Chromatic Concept of Tonal Organisation, propose de ramener tout accord classé à un accord parent proche du spectre harmonique et établit une charte pour procéder à l’opération. Il associe alors sept gammes et d’autres libres à l’utilisateur qui lui permettent de sortir et de revenir progressivement vers le centre donné par l’accord. C’est un jeu in/out avec une cohérence spectrale qui invite l’improvisateur à colorer un accord, à tourner autour avec habilité. Par son ouverture et sa cohérence musicale, c’est à mon sens l’une des plus belles théories de l’histoire de la musique.
Colorful waves s’inspire de cette théorie. La forme est assez classique avec une courte introduction sur le mode lydien (mode de fa = gamme majeure avec quarte augmentée), spectralisé à deux reprises. Un thème exposé deux fois, une structure d’improvisation qui reprend la grammaire « russellienne » avec une accélération progressive du tempo, un ralentissement du rythme harmonique et une densité croissante des modes utilisés sur chaque accord comme une palette qui ne cesserait jamais de se remplir de nouvelles couleurs. L’exercice est exigeant pour l’improvisateur, un chemin lui est donné par les cinq musiciens classiques. Il y a alors réexposition avec deux fois le thème et une coda qui reprend l’introduction de façon stricte à l’envers.
Ce fut un plaisir pour moi de me confronter à ce type de matériau, de chercher à exprimer quelque chose de cette grande tradition du jazz. Il y a un climat spécifique à chaque exposition du thème. De l’atmosphère générale de l’œuvre, se dégage peut-être une certaine douceur.
France -1977
Sébastien Gaxie travaille sur le rythme, la pulsation et les jeux de superpositions. Il se consacre à différents champs d’expression : musique contemporaine, jazz, musique électronique, théâtre musical et art vidéo.
Pianiste et choriste, il étudie le piano jazz et dirige le Zhig Band, ensemble jouant sa propre musique. Il entre ensuite au Conservatoire de Paris, où il suit notamment les cours de composition d’Emmanuel Nunes et de Frédéric Durieux. Il complète ensuite sa formation par le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Prix Sacem du meilleur jeune compositeur de musique symphonique (2012), Sébastien Gaxie écrit pour tous les effectifs : Watashi to kotori to suzu to pour six voix de femmes (création par les Madrigirls à Tokyo, 2008) ; Communication à une académie, ballet pour trombone et ensemble (commande du Printemps des arts de Monaco, 2010) ; Cinq maillages pour orchestre (création par l’Orchestre philharmonique de Radio France, pour l’émission Alla breve, 2012) ; Continuous snapshots pour piano et électronique (commande de l’Ircam, création par David Lively au festival ManiFeste, 2013) ; Céleste ma planète, opéra pour enfants (créé à la salle Pleyel par la soprano Mélanie Boisvert, le baryton Lionel Peintre et l’Orchestre national d’Île-de-France, 2014) ; Je suis un homme ridicule, opéra (création à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris par le comédien Lionel González, le chanteur Lionel Peintre et les ensembles Musicatreize et 2e2m sous la direction de Pierre Roullier, 2017) ; Le voyage d’hiver, théâtre musical (créé par la comédienne Clara Chabalier, la mezzo-soprano et contrebassiste Élise Dabrowski ainsi que le compositeur au piano, 2018).
Mauro Lanza
Teintées d’ironie, les compositions de Mauro Lanza sont, depuis le début, le résultat d’un effort sans cesse croissant vers une fusion intime d’instruments classiques avec d’autres sources sonores moins conventionnelles (synthèse par modélisation physique, instruments jouets, bruitages et divers spécimens d’objets trouvés). Il aime la clarté et le caractère inhumain des processus formalisés et travaille beaucoup avec des algorithmes informatiques.
Mauro Lanza a étudié le piano au Conservatoire B. Marcello et suivi des cours d’écriture et de musicologie à l’Université Ca’ Foscari de Venise. Il s’est formé entre autres auprès de Brian Ferneyhough, Salvatore Sciarrino et Gérard Grisey. Et, en 1998, il intègre le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Pensionnaire à l’Académie de France à Rome-Villa Médicis de 2007 à 2008 et à l’Akademie Schloss Solitude de 2009 à 2011, il compte à son actif diverses expériences dans le domaine pédagogique (Ircam, McGill University, ESMUC, UdK).
En 2014, il s’est vu décerner le prix Franco Abbiati par l’Association nationale des critiques musicaux d’Italie.
Italie -1975

The Lincolnshire Poacher
-création mondiale
commande du Festival Ensemble(s),
avec l’aide à l'écriture d’œuvre musicale originale
The Lincolnshire Poacher est le nom d’une station de radio, ainsi nommée parce que deux mesures de l’air folklorique anglais traditionnel du même nom étaient utilisées comme « signal d’intervalle ». Cette station, émise depuis Chypre, était vraisemblablement exploitée par les services secrets britanniques et était l’une des plus célèbres et des plus actives. Ces « Numbers stations » sont de mystérieux canaux radio à ondes courtes d’origine indiscernable qui existent dans tous les pays du monde et sont signalés depuis la Première Guerre mondiale. Elles sont identifiables par le contenu inhabituel de leurs émissions : des séquences apparemment aléatoires de chiffres, de mots, de lettres (généralement prononcés par des voix générées artificiellement), des mélodies, du code Morse, des bruits et des signaux électroniques bizarres, comme le bip effrayant que la station russe UVP-76 émet quotidiennement.
La théorie la plus courante concernant l’objectif de ces émissions étranges et bizarres est qu’elles sont utilisées par les gouvernements du monde entier pour transmettre secrètement des messages cryptés aux espions.
Cette œuvre est aussi, d’une certaine manière, un hommage sans nostalgique à l’époque de la guerre froide, dont les spectres n’ont pas encore cessé de hanter nos vies.
John O’Gallagher

Chimera
-création mondiale
commande du Festival Ensemble(s), avec le soutien de Diaphonique
Chimera s’est développée à partir de l’idée de projeter l’ensemble dans des paysages musicaux et des contextes d’improvisation variés qui fonctionnent dans un ADN musical singulier. À l’instar de la bête mythique, Chimera synthétise des éléments et des concepts apparemment disparates en un tout unifié, comme le symbolise la relation entre l’improvisation et la composition, les idées de la musique classique et du jazz, les exigences des musiciens étudiants et professionnels, et l’intersection de la culture franco-anglaise.
En accord avec le thème des improvisations sans frontières, à différents moments de la composition, chaque interprète est mis en scène dans des cadres d’improvisation de tempos, d’humeurs et de tailles d’ensemble variés. Ces cadres d’improvisation ont pour but de remettre en question les notions conventionnelles de composition et d’improvisation, et d’inciter les interprètes à faire appel à leurs compétences intuitives et interactives.
États-Unis -1964
John O’Gallagher est considéré comme l’un des saxophonistes alto et compositeurs les plus convaincants sur la scène jazz new-yorkaise actuelle. Il est connu pour son style innovant qui repousse les limites du jazz tout en étant enraciné dans sa tradition.
Au cours de sa carrière d’interprète, il s’est produit dans de nombreuses salles et festivals de jazz internationaux, ainsi que dans des programmes radio diffusés par la BBC-3, la RSI-Suisse et Radio France. Il a joué avec le Joe Henderson Big Band, le Maria Schneider Orchestra, le Kenny Wheeler Large Ensemble, et dans de nombreux groupes avec des artistes tels que Ben Monder, Tyshawn Sorey, Billy Hart, Ralph Alessi, Mike Gibbs, Bill Stewart, Donny McCaslin, Jeff Williams, Tony Malaby, Johannes Weidenmueller, Chris Cheek, Tim Hagans, Drew Gress, Mark Guiliana, Paul Dunmall et Tom Rainey.
Sa discographie comprend plus de soixante CD dont certains ont été récompensés par des Grammy Awards.
En tant que pédagogue, il intervient dans des universités et conservatoires internationaux tels que The New England Conservatory, The New School, Hochschule Musik und Theatre (Zurich, Suisse), le Conservatoire de Paris (France) et le Royal Birmingham Conservatoire (Royaume-Uni).
Il est l’auteur du livre Twelve-Tone Improvisation aux éditions Advance Music.

Compositeur•rice•s
édition 2022
Sofia -création
Avramidou
Frédéric
Durieux
Alexandros
Markeas
Franck
Bedrossian
Dai
Fujikura
Joël -création
Merah
Birke J.
Bertelsmeier
Fernando -création
Garnero
John -création
O’Gallagher
Gonzalo Joaquin
Bustos
Sébastien -création
Gaxie
Sebastian
Rivas
George
Crumb
Sanae -création
Ishida
Didier - création
Rotella
Violeta -création
Cruz
Mauro -création
Lanza
R. Murray
Schafer
Thierry
De Mey
Linda -création
Leimane
Michael - création
Seltenreich
Hugues - invité d'honneur
Dufourt
Philippe
Leroux
Mikel
Urquiza
Aurélien - création
Dumont
Yan
Maresz
Les compo-
siteur•rice•s
A l'honneur de cette troisième édition, l’une des grandes figures de la musique d’aujourd’hui : le Français Hugues Dufourt. Parallèlement, quatre œuvres nouvelles seront créées lors des concerts réunissant les 5 Ensemble(s), commandes du festival à la compositrice Sofia Avramidou et aux compositeurs Sébastien Gaxie, Mauro Lanza et John O’Gallagher.
Hugues Dufourt

France -1943
Hugues Dufourt privilégie les continuités et les lentes transformations d’un discours musical qui n’est que rarement interrompu. Il conçoit des formes par évolution de masses et travaille sur les notions de seuils, d’oscillations, d’interférences et de processus orientés. Pionnier du mouvement spectral, il lui accorde toutefois une définition plus large, cherchant à mettre en valeur l’instabilité que le timbre introduit dans l’orchestration. Sa musique repose sur une richesse de constellations sonores et harmoniques et s’appuie sur une dialectique du timbre et du temps. Il puise une partie de son inspiration dans l’art pictural, dont il retient essentiellement le rôle de la couleur, des matières et de la lumière.
Pianiste de formation, Hugues Dufourt étudie la composition à Genève avec Jacques Guyonnet et est par ailleurs agrégé de philosophie (1967).
Après avoir enseigné à l’Université de Lyon, il entre au CNRS où il devient directeur de recherche (1973-2009). En 1977, avec Alain Bancquart et Tristan Murail, il crée le Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore (Criss) et a été l’un des responsables de l’ensemble L’Itinéraire (1976-1981). En 1989, il crée la formation doctorale Musique et musicologie du XXe siècle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qu’il dirige jusqu’en 1999.
Il a reçu de nombreux prix, notamment en 2000 le Prix du Président de la République pour l’ensemble de son œuvre, décerné par l’Académie Charles Cros.
Ces dernières années, il a composé des œuvres aux formations diverses, du piano seul au grand orchestre, en passant par des petites formations ou les percussions.
Sofia Avramidou

Grèce -1988
Sofia Avramidou concentre son travail sur l’écriture du timbre, sur l’évolution de la forme et des flux. À ce titre, son œuvre s’inscrit dans la tradition spectrale. Dans ses compositions elle développe également une dramaturgie des contrastes. Elle aborde le son comme un matériau sensible, et s’attache à rechercher des textures et des sonorités nouvelles.
Diplômée de l’Université Aristote de Thessalonique (Grèce) et de l’Académie nationale de Santa Cecilia à Rome (Italie), dans la classe d’Ivan Fedele, elle suit les cours de composition électroacoustique et instrumentale au Conservatoire à rayonnement régional de Boulogne-Billancourt de 2017 à 2019, puis, en 2019/20, le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam. Parallèlement, elle participe à de nombreuses master class en composition et a remporté des prix dans différents concours.
Elle reçoit des commandes et des propositions de collaboration de la part de différents ensembles renommés et, en 2018, elle est sélectionnée pour composer un opéra de chambre pour la Biennale de Venise. Elle compose également pour l’image, et crée notamment la musique du film Obscuro Barroco de la réalisatrice Evangelia Kranioti, qui a reçu le Teddy Award du Festival international de cinéma de Berlin en 2018.
Ses compositions sont jouées principalement en Europe et aux États-Unis.
A hug to die est inspiré de The Pillowman du dramaturge britannique Martin McDonagh. La pièce se concentre sur l’exploration et le développement du timbre, encadré par une dramaturgie de contrastes intenses et de transitions continues qui créent un flux entre équilibre et déséquilibre.
Grâce à l’utilisation nuancée du timbre, plusieurs textures sont construites, ce qui génère un environnement sonore initial compact et organique. Au fur et à mesure que la pièce se développe, cette uniformité se juxtapose à des structures sonores indomptées et irrégulières constituées de rythmes intenses et répétitifs, qui suscitent un sentiment d’agonie et de tourmente.
Sur le plan poétique, la pièce explore l’aliénation profonde des relations humaines et la dégradation de l’innocence de l’enfance, en traitant de la logique comme de l’absurde, du réel et du surréel, du pur et du cynique, oscillant constamment entre rêve et cauchemar.
Sébastien Gaxie

France -1977
Sébastien Gaxie travaille sur le rythme, la pulsation et les jeux de superpositions. Il se consacre à différents champs d’expression : musique contemporaine, jazz, musique électronique, théâtre musical et art vidéo.
Pianiste et choriste, il étudie le piano jazz et dirige le Zhig Band, ensemble jouant sa propre musique. Il entre ensuite au Conservatoire de Paris, où il suit notamment les cours de composition d’Emmanuel Nunes et de Frédéric Durieux. Il complète ensuite sa formation par le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Prix Sacem du meilleur jeune compositeur de musique symphonique (2012), Sébastien Gaxie écrit pour tous les effectifs : Watashi to kotori to suzu to pour six voix de femmes (création par les Madrigirls à Tokyo, 2008) ; Communication à une académie, ballet pour trombone et ensemble (commande du Printemps des arts de Monaco, 2010) ; Cinq maillages pour orchestre (création par l’Orchestre philharmonique de Radio France, pour l’émission Alla breve, 2012) ; Continuous snapshots pour piano et électronique (commande de l’Ircam, création par David Lively au festival ManiFeste, 2013) ; Céleste ma planète, opéra pour enfants (créé à la salle Pleyel par la soprano Mélanie Boisvert, le baryton Lionel Peintre et l’Orchestre national d’Île-de-France, 2014) ; Je suis un homme ridicule, opéra (création à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris par le comédien Lionel González, le chanteur Lionel Peintre et les ensembles Musicatreize et 2e2m sous la direction de Pierre Roullier, 2017) ; Le voyage d’hiver, théâtre musical (créé par la comédienne Clara Chabalier, la mezzo-soprano et contrebassiste Élise Dabrowski ainsi que le compositeur au piano, 2018).
Colorful waves est une pièce pour cinq musiciens classiques et un quintet de jazz. C’est un retour pour moi vers ce genre qui ne m’a jamais quitté mais dans lequel je n’ai présenté aucun projet public depuis une dizaine d’années.
Dans les prémices de cette œuvre, il m’était compliqué d’accepter qu’il puisse y avoir de l’improvisation. J’aime improviser mais quand je compose c’est un désir inverse : celui de noter tout précisément au moindre millimètre. Écrire « improviser » pour un compositeur a quelque chose de frustrant. Pour Colorful waves, il fallait donc que je me reconnecte avec le jazz et que je pense une structure « pertinente » pour l’écrit permettant l’improvisation. Ce ne fut pas une mince affaire, tout autant qu’accepter l’idiome tonal/modal toujours d’actualité dans le jazz mais qui relève d’un tabou pour un compositeur de musique dite « contemporaine ».
Au départ il y avait donc ambivalence. Puis il y a eut rencontre avec l’œuvre tant musicale que théorique de George Russell dont j’ai toujours adulé le disque Ezz-thetics de 1961. George Russell était batteur et pianiste, puis il s’est tourné vers la composition, l’arrangement et la théorie suite à des problèmes de santé. Il a côtoyé et influencé les plus grands musiciens : Miles Davis, Eric Dolphy, Bill Evans, la liste court sur un demi-siècle. C’est LE grand théoricien du jazz qui permet de saisir toute la tonalité élargie des compositeurs du début du XXe siècle, mais qui conduit aussi à prendre conscience de l’énorme apport du jazz avec ce matériau. Face à l’élégance de cette théorie, l’interdit schönberguien, malgré la force de sa musique, fait pâle figure.
C’est une théorie consubstantielle à une praxis. Russell, dans Lydian Chromatic Concept of Tonal Organisation, propose de ramener tout accord classé à un accord parent proche du spectre harmonique et établit une charte pour procéder à l’opération. Il associe alors sept gammes et d’autres libres à l’utilisateur qui lui permettent de sortir et de revenir progressivement vers le centre donné par l’accord. C’est un jeu in/out avec une cohérence spectrale qui invite l’improvisateur à colorer un accord, à tourner autour avec habilité. Par son ouverture et sa cohérence musicale, c’est à mon sens l’une des plus belles théories de l’histoire de la musique.
Colorful waves s’inspire de cette théorie. La forme est assez classique avec une courte introduction sur le mode lydien (mode de fa = gamme majeure avec quarte augmentée), spectralisé à deux reprises. Un thème exposé deux fois, une structure d’improvisation qui reprend la grammaire « russellienne » avec une accélération progressive du tempo, un ralentissement du rythme harmonique et une densité croissante des modes utilisés sur chaque accord comme une palette qui ne cesserait jamais de se remplir de nouvelles couleurs. L’exercice est exigeant pour l’improvisateur, un chemin lui est donné par les cinq musiciens classiques. Il y a alors réexposition avec deux fois le thème et une coda qui reprend l’introduction de façon stricte à l’envers.
Ce fut un plaisir pour moi de me confronter à ce type de matériau, de chercher à exprimer quelque chose de cette grande tradition du jazz. Il y a un climat spécifique à chaque exposition du thème. De l’atmosphère générale de l’œuvre, se dégage peut-être une certaine douceur.
Mauro Lanza

Italie -1975
Teintées d’ironie, les compositions de Mauro Lanza sont, depuis le début, le résultat d’un effort sans cesse croissant vers une fusion intime d’instruments classiques avec d’autres sources sonores moins conventionnelles (synthèse par modélisation physique, instruments jouets, bruitages et divers spécimens d’objets trouvés). Il aime la clarté et le caractère inhumain des processus formalisés et travaille beaucoup avec des algorithmes informatiques.
Mauro Lanza a étudié le piano au Conservatoire B. Marcello et suivi des cours d’écriture et de musicologie à l’Université Ca’ Foscari de Venise. Il s’est formé entre autres auprès de Brian Ferneyhough, Salvatore Sciarrino et Gérard Grisey. Et, en 1998, il intègre le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Pensionnaire à l’Académie de France à Rome-Villa Médicis de 2007 à 2008 et à l’Akademie Schloss Solitude de 2009 à 2011, il compte à son actif diverses expériences dans le domaine pédagogique (Ircam, McGill University, ESMUC, UdK).
En 2014, il s’est vu décerner le prix Franco Abbiati par l’Association nationale des critiques musicaux d’Italie.
The Lincolnshire Poacher est le nom d’une station de radio, ainsi nommée parce que deux mesures de l’air folklorique anglais traditionnel du même nom étaient utilisées comme « signal d’intervalle ». Cette station, émise depuis Chypre, était vraisemblablement exploitée par les services secrets britanniques et était l’une des plus célèbres et des plus actives. Ces « Numbers stations » sont de mystérieux canaux radio à ondes courtes d’origine indiscernable qui existent dans tous les pays du monde et sont signalés depuis la Première Guerre mondiale. Elles sont identifiables par le contenu inhabituel de leurs émissions : des séquences apparemment aléatoires de chiffres, de mots, de lettres (généralement prononcés par des voix générées artificiellement), des mélodies, du code Morse, des bruits et des signaux électroniques bizarres, comme le bip effrayant que la station russe UVP-76 émet quotidiennement.
La théorie la plus courante concernant l’objectif de ces émissions étranges et bizarres est qu’elles sont utilisées par les gouvernements du monde entier pour transmettre secrètement des messages cryptés aux espions.
Cette œuvre est aussi, d’une certaine manière, un hommage sans nostalgique à l’époque de la guerre froide, dont les spectres n’ont pas encore cessé de hanter nos vies.
John O’Gallagher

États-Unis -1964
John O’Gallagher est considéré comme l’un des saxophonistes alto et compositeurs les plus convaincants sur la scène jazz new-yorkaise actuelle. Il est connu pour son style innovant qui repousse les limites du jazz tout en étant enraciné dans sa tradition.
Au cours de sa carrière d’interprète, il s’est produit dans de nombreuses salles et festivals de jazz internationaux, ainsi que dans des programmes radio diffusés par la BBC-3, la RSI-Suisse et Radio France. Il a joué avec le Joe Henderson Big Band, le Maria Schneider Orchestra, le Kenny Wheeler Large Ensemble, et dans de nombreux groupes avec des artistes tels que Ben Monder, Tyshawn Sorey, Billy Hart, Ralph Alessi, Mike Gibbs, Bill Stewart, Donny McCaslin, Jeff Williams, Tony Malaby, Johannes Weidenmueller, Chris Cheek, Tim Hagans, Drew Gress, Mark Guiliana, Paul Dunmall et Tom Rainey.
Sa discographie comprend plus de soixante CD dont certains ont été récompensés par des Grammy Awards.
En tant que pédagogue, il intervient dans des universités et conservatoires internationaux tels que The New England Conservatory, The New School, Hochschule Musik und Theatre (Zurich, Suisse), le Conservatoire de Paris (France) et le Royal Birmingham Conservatoire (Royaume-Uni).
Il est l’auteur du livre Twelve-Tone Improvisation aux éditions Advance Music.
Chimera s’est développée à partir de l’idée de projeter l’ensemble dans des paysages musicaux et des contextes d’improvisation variés qui fonctionnent dans un ADN musical singulier. À l’instar de la bête mythique, Chimera synthétise des éléments et des concepts apparemment disparates en un tout unifié, comme le symbolise la relation entre l’improvisation et la composition, les idées de la musique classique et du jazz, les exigences des musiciens étudiants et professionnels, et l’intersection de la culture franco-anglaise.
En accord avec le thème des improvisations sans frontières, à différents moments de la composition, chaque interprète est mis en scène dans des cadres d’improvisation de tempos, d’humeurs et de tailles d’ensemble variés. Ces cadres d’improvisation ont pour but de remettre en question les notions conventionnelles de composition et d’improvisation, et d’inciter les interprètes à faire appel à leurs compétences intuitives et interactives.
Les compositeur·rice·s
édition 2022

Sofia -création
Avramidou
Frédéric
Durieux
Franck
Bedrossian
Dai
Fujikura
Alexandros
Markeas
Birke J.
Bertelsmeier
Fernando -création
Garnero
Joël -création
Merah
Gonzalo Joaquin
Bustos
Sébastien -création
Gaxie
John -création
O’Gallagher
George
Crumb
Sanae -création
Ishida
Sebastian
Rivas
Violeta -création
Cruz
Mauro -création
Lanza
Didier -création
Rotella
Thierry
De Mey
Linda -création
Leimane
R. Murray
Schafer
Hugues -invité d'honneur
Dufourt
Philippe
Leroux
Michael -création
Seltenreich
Aurélien -création
Dumont
Yan
Maresz
Mikel
Urquiza
Les compo-
siteur•rice
•s
A l'honneur de cette troisième édition, l’une des grandes figures de la musique d’aujourd’hui : le Français Hugues Dufourt. Parallèlement, quatre œuvres nouvelles seront créées lors des concerts réunissant les 5 Ensemble(s), commandes du festival à la compositrice Sofia Avramidou et aux compositeurs Sébastien Gaxie, Mauro Lanza et John O’Gallagher.
Hugues Dufourt

France -1943
Hugues Dufourt privilégie les continuités et les lentes transformations d’un discours musical qui n’est que rarement interrompu. Il conçoit des formes par évolution de masses et travaille sur les notions de seuils, d’oscillations, d’interférences et de processus orientés. Pionnier du mouvement spectral, il lui accorde toutefois une définition plus large, cherchant à mettre en valeur l’instabilité que le timbre introduit dans l’orchestration. Sa musique repose sur une richesse de constellations sonores et harmoniques et s’appuie sur une dialectique du timbre et du temps. Il puise une partie de son inspiration dans l’art pictural, dont il retient essentiellement le rôle de la couleur, des matières et de la lumière.
Pianiste de formation, Hugues Dufourt étudie la composition à Genève avec Jacques Guyonnet et est par ailleurs agrégé de philosophie (1967).
Après avoir enseigné à l’Université de Lyon, il entre au CNRS où il devient directeur de recherche (1973-2009). En 1977, avec Alain Bancquart et Tristan Murail, il crée le Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore (Criss) et a été l’un des responsables de l’ensemble L’Itinéraire (1976-1981). En 1989, il crée la formation doctorale Musique et musicologie du XXe siècle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qu’il dirige jusqu’en 1999.
Il a reçu de nombreux prix, notamment en 2000 le Prix du Président de la République pour l’ensemble de son œuvre, décerné par l’Académie Charles Cros.
Ces dernières années, il a composé des œuvres aux formations diverses, du piano seul au grand orchestre, en passant par des petites formations ou les percussions.
Sofia Avramidou

Grèce -1988
Sofia Avramidou concentre son travail sur l’écriture du timbre, sur l’évolution de la forme et des flux. À ce titre, son œuvre s’inscrit dans la tradition spectrale. Dans ses compositions elle développe également une dramaturgie des contrastes. Elle aborde le son comme un matériau sensible, et s’attache à rechercher des textures et des sonorités nouvelles.
Diplômée de l’Université Aristote de Thessalonique (Grèce) et de l’Académie nationale de Santa Cecilia à Rome (Italie), dans la classe d’Ivan Fedele, elle suit les cours de composition électroacoustique et instrumentale au Conservatoire à rayonnement régional de Boulogne-Billancourt de 2017 à 2019, puis, en 2019/20, le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam. Parallèlement, elle participe à de nombreuses master class en composition et a remporté des prix dans différents concours.
Elle reçoit des commandes et des propositions de collaboration de la part de différents ensembles renommés et, en 2018, elle est sélectionnée pour composer un opéra de chambre pour la Biennale de Venise. Elle compose également pour l’image, et crée notamment la musique du film Obscuro Barroco de la réalisatrice Evangelia Kranioti, qui a reçu le Teddy Award du Festival international de cinéma de Berlin en 2018.
Ses compositions sont jouées principalement en Europe et aux États-Unis.
A hug to die est inspiré de The Pillowman du dramaturge britannique Martin McDonagh. La pièce se concentre sur l’exploration et le développement du timbre, encadré par une dramaturgie de contrastes intenses et de transitions continues qui créent un flux entre équilibre et déséquilibre.
Grâce à l’utilisation nuancée du timbre, plusieurs textures sont construites, ce qui génère un environnement sonore initial compact et organique. Au fur et à mesure que la pièce se développe, cette uniformité se juxtapose à des structures sonores indomptées et irrégulières constituées de rythmes intenses et répétitifs, qui suscitent un sentiment d’agonie et de tourmente.
Sur le plan poétique, la pièce explore l’aliénation profonde des relations humaines et la dégradation de l’innocence de l’enfance, en traitant de la logique comme de l’absurde, du réel et du surréel, du pur et du cynique, oscillant constamment entre rêve et cauchemar.
Sébastien Gaxie

France -1977
Sébastien Gaxie travaille sur le rythme, la pulsation et les jeux de superpositions. Il se consacre à différents champs d’expression : musique contemporaine, jazz, musique électronique, théâtre musical et art vidéo.
Pianiste et choriste, il étudie le piano jazz et dirige le Zhig Band, ensemble jouant sa propre musique. Il entre ensuite au Conservatoire de Paris, où il suit notamment les cours de composition d’Emmanuel Nunes et de Frédéric Durieux. Il complète ensuite sa formation par le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Prix Sacem du meilleur jeune compositeur de musique symphonique (2012), Sébastien Gaxie écrit pour tous les effectifs : Watashi to kotori to suzu to pour six voix de femmes (création par les Madrigirls à Tokyo, 2008) ; Communication à une académie, ballet pour trombone et ensemble (commande du Printemps des arts de Monaco, 2010) ; Cinq maillages pour orchestre (création par l’Orchestre philharmonique de Radio France, pour l’émission Alla breve, 2012) ; Continuous snapshots pour piano et électronique (commande de l’Ircam, création par David Lively au festival ManiFeste, 2013) ; Céleste ma planète, opéra pour enfants (créé à la salle Pleyel par la soprano Mélanie Boisvert, le baryton Lionel Peintre et l’Orchestre national d’Île-de-France, 2014) ; Je suis un homme ridicule, opéra (création à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris par le comédien Lionel González, le chanteur Lionel Peintre et les ensembles Musicatreize et 2e2m sous la direction de Pierre Roullier, 2017) ; Le voyage d’hiver, théâtre musical (créé par la comédienne Clara Chabalier, la mezzo-soprano et contrebassiste Élise Dabrowski ainsi que le compositeur au piano, 2018).
Colorful waves est une pièce pour cinq musiciens classiques et un quintet de jazz. C’est un retour pour moi vers ce genre qui ne m’a jamais quitté mais dans lequel je n’ai présenté aucun projet public depuis une dizaine d’années.
Dans les prémices de cette œuvre, il m’était compliqué d’accepter qu’il puisse y avoir de l’improvisation. J’aime improviser mais quand je compose c’est un désir inverse : celui de noter tout précisément au moindre millimètre. Écrire « improviser » pour un compositeur a quelque chose de frustrant. Pour Colorful waves, il fallait donc que je me reconnecte avec le jazz et que je pense une structure « pertinente » pour l’écrit permettant l’improvisation. Ce ne fut pas une mince affaire, tout autant qu’accepter l’idiome tonal/modal toujours d’actualité dans le jazz mais qui relève d’un tabou pour un compositeur de musique dite « contemporaine ».
Au départ il y avait donc ambivalence. Puis il y a eut rencontre avec l’œuvre tant musicale que théorique de George Russell dont j’ai toujours adulé le disque Ezz-thetics de 1961. George Russell était batteur et pianiste, puis il s’est tourné vers la composition, l’arrangement et la théorie suite à des problèmes de santé. Il a côtoyé et influencé les plus grands musiciens : Miles Davis, Eric Dolphy, Bill Evans, la liste court sur un demi-siècle. C’est LE grand théoricien du jazz qui permet de saisir toute la tonalité élargie des compositeurs du début du XXe siècle, mais qui conduit aussi à prendre conscience de l’énorme apport du jazz avec ce matériau. Face à l’élégance de cette théorie, l’interdit schönberguien, malgré la force de sa musique, fait pâle figure.
C’est une théorie consubstantielle à une praxis. Russell, dans Lydian Chromatic Concept of Tonal Organisation, propose de ramener tout accord classé à un accord parent proche du spectre harmonique et établit une charte pour procéder à l’opération. Il associe alors sept gammes et d’autres libres à l’utilisateur qui lui permettent de sortir et de revenir progressivement vers le centre donné par l’accord. C’est un jeu in/out avec une cohérence spectrale qui invite l’improvisateur à colorer un accord, à tourner autour avec habilité. Par son ouverture et sa cohérence musicale, c’est à mon sens l’une des plus belles théories de l’histoire de la musique.
Colorful waves s’inspire de cette théorie. La forme est assez classique avec une courte introduction sur le mode lydien (mode de fa = gamme majeure avec quarte augmentée), spectralisé à deux reprises. Un thème exposé deux fois, une structure d’improvisation qui reprend la grammaire « russellienne » avec une accélération progressive du tempo, un ralentissement du rythme harmonique et une densité croissante des modes utilisés sur chaque accord comme une palette qui ne cesserait jamais de se remplir de nouvelles couleurs. L’exercice est exigeant pour l’improvisateur, un chemin lui est donné par les cinq musiciens classiques. Il y a alors réexposition avec deux fois le thème et une coda qui reprend l’introduction de façon stricte à l’envers.
Ce fut un plaisir pour moi de me confronter à ce type de matériau, de chercher à exprimer quelque chose de cette grande tradition du jazz. Il y a un climat spécifique à chaque exposition du thème. De l’atmosphère générale de l’œuvre, se dégage peut-être une certaine douceur.
Mauro Lanza

Italie -1975
Teintées d’ironie, les compositions de Mauro Lanza sont, depuis le début, le résultat d’un effort sans cesse croissant vers une fusion intime d’instruments classiques avec d’autres sources sonores moins conventionnelles (synthèse par modélisation physique, instruments jouets, bruitages et divers spécimens d’objets trouvés). Il aime la clarté et le caractère inhumain des processus formalisés et travaille beaucoup avec des algorithmes informatiques.
Mauro Lanza a étudié le piano au Conservatoire B. Marcello et suivi des cours d’écriture et de musicologie à l’Université Ca’ Foscari de Venise. Il s’est formé entre autres auprès de Brian Ferneyhough, Salvatore Sciarrino et Gérard Grisey. Et, en 1998, il intègre le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’Ircam.
Pensionnaire à l’Académie de France à Rome-Villa Médicis de 2007 à 2008 et à l’Akademie Schloss Solitude de 2009 à 2011, il compte à son actif diverses expériences dans le domaine pédagogique (Ircam, McGill University, ESMUC, UdK).
En 2014, il s’est vu décerner le prix Franco Abbiati par l’Association nationale des critiques musicaux d’Italie.
The Lincolnshire Poacher est le nom d’une station de radio, ainsi nommée parce que deux mesures de l’air folklorique anglais traditionnel du même nom étaient utilisées comme « signal d’intervalle ». Cette station, émise depuis Chypre, était vraisemblablement exploitée par les services secrets britanniques et était l’une des plus célèbres et des plus actives. Ces « Numbers stations » sont de mystérieux canaux radio à ondes courtes d’origine indiscernable qui existent dans tous les pays du monde et sont signalés depuis la Première Guerre mondiale. Elles sont identifiables par le contenu inhabituel de leurs émissions : des séquences apparemment aléatoires de chiffres, de mots, de lettres (généralement prononcés par des voix générées artificiellement), des mélodies, du code Morse, des bruits et des signaux électroniques bizarres, comme le bip effrayant que la station russe UVP-76 émet quotidiennement.
La théorie la plus courante concernant l’objectif de ces émissions étranges et bizarres est qu’elles sont utilisées par les gouvernements du monde entier pour transmettre secrètement des messages cryptés aux espions.
Cette œuvre est aussi, d’une certaine manière, un hommage sans nostalgique à l’époque de la guerre froide, dont les spectres n’ont pas encore cessé de hanter nos vies.
John O’Gallagher

États-Unis -1964
John O’Gallagher est considéré comme l’un des saxophonistes alto et compositeurs les plus convaincants sur la scène jazz new-yorkaise actuelle. Il est connu pour son style innovant qui repousse les limites du jazz tout en étant enraciné dans sa tradition.
Au cours de sa carrière d’interprète, il s’est produit dans de nombreuses salles et festivals de jazz internationaux, ainsi que dans des programmes radio diffusés par la BBC-3, la RSI-Suisse et Radio France. Il a joué avec le Joe Henderson Big Band, le Maria Schneider Orchestra, le Kenny Wheeler Large Ensemble, et dans de nombreux groupes avec des artistes tels que Ben Monder, Tyshawn Sorey, Billy Hart, Ralph Alessi, Mike Gibbs, Bill Stewart, Donny McCaslin, Jeff Williams, Tony Malaby, Johannes Weidenmueller, Chris Cheek, Tim Hagans, Drew Gress, Mark Guiliana, Paul Dunmall et Tom Rainey.
Sa discographie comprend plus de soixante CD dont certains ont été récompensés par des Grammy Awards.
En tant que pédagogue, il intervient dans des universités et conservatoires internationaux tels que The New England Conservatory, The New School, Hochschule Musik und Theatre (Zurich, Suisse), le Conservatoire de Paris (France) et le Royal Birmingham Conservatoire (Royaume-Uni).
Il est l’auteur du livre Twelve-Tone Improvisation aux éditions Advance Music.
Chimera s’est développée à partir de l’idée de projeter l’ensemble dans des paysages musicaux et des contextes d’improvisation variés qui fonctionnent dans un ADN musical singulier. À l’instar de la bête mythique, Chimera synthétise des éléments et des concepts apparemment disparates en un tout unifié, comme le symbolise la relation entre l’improvisation et la composition, les idées de la musique classique et du jazz, les exigences des musiciens étudiants et professionnels, et l’intersection de la culture franco-anglaise.
En accord avec le thème des improvisations sans frontières, à différents moments de la composition, chaque interprète est mis en scène dans des cadres d’improvisation de tempos, d’humeurs et de tailles d’ensemble variés. Ces cadres d’improvisation ont pour but de remettre en question les notions conventionnelles de composition et d’improvisation, et d’inciter les interprètes à faire appel à leurs compétences intuitives et interactives.
Les compositeur•rice•s
Sofia Avramidou *
Franck Bedrossian
Birke J. Bertelsmeier
Gonzalo Joaquin Bustos
George Crumb
Violeta Cruz *
Thierry De Mey
Hugues Dufourt -invité d’honneur
Aurélien Dumont *
Frédéric Durieux
Dai Fujikura
Fernando Garnero *
Sébastien Gaxie *
Sanae Ishida *
Mauro Lanza *
Linda Leimane *
Philippe Leroux
Yan Maresz
Alexandros Markeas
Joël Merah *
John O’Gallagher *
Sebastian Rivas
Didier Rotella *
R. Murray Schafer
Michael Seltenreich *
Mikel Urquiza
* création