En hommage à Philippe Hurel, en regard de la thématique de cette année, Pulse, et en écho à nos invités Irlandais du projet Legato, Cairn conçoit un programme autour de deux pièces extrêmement dynamiques : Locolized corrosion de Philippe Hurel et Glamour Sleeper de Donnacha Dennehy. Entre ces deux monolithes apparaît la musique tout en fragilité et délicatesse de la compositrice taïwanaise Lin-Ni Liao, manière de dire que la pulsation peut-être aussi affaire d’intériorité.

Massifs comme des blocs de métaux, les instruments de Locolized corrosion – saxophone, guitare électrique, piano et percussions – ne se désunissent jamais et procèdent soit par homorythmie soit par micro décalages créant ainsi une verticalité vibrante, des irisations multiples (cette corrosion peut-être) et toujours avec insistance, comme s’il s’agissait d’hypnotiser son auditoire. C’est également ce que propose la pièce de Donnacha Dennehy, Glamour Sleeper, dans laquelle le moindre son est envisagé comme une « cellule dormante » pouvant entrer en éruption à tout moment. Glamour Sleeper est aussi une évocation de Dublin puisque chaque section de la pièce est associée à un quartier précis de la capitale irlandaise. Musique obstinée et rythmique, comme un réseau urbain, elle explore contraction et dilatation de plusieurs pulsations, parfois même simultanément. « Attaquer violemment, mais avec panache » est-il noté dans la partition. L’électronique présent dans la pièce sous forme de bande-son vient éroder ces processus rythmiques, petite corrosion douce…

Who are you? de Lin Ni-Liao est un hommage à la poétesse Emily Dickinson (1830-1886), figure de la littérature dans laquelle elle voit « le reflet artistique et humain » de sa musique. Pour la compositrice taïwanaise il est question de chercher dans la musique même un espace illimité, flottant, évanescent, de chercher dans l’agencement des instruments les couleurs les plus transparentes qui soient.

« Who are you ?

Are you nobody too ?

Then there’s a pair of us »

Peut-être qu’à travers les mots de la poétesse anglaise, Lin Ni-Liao, avec des sons qui lui sont propres, interpelle-t-elle son auditeur ?