Soir 3 -
Causette à la buvette avec Jean Deroyer, chef d'orchestre
le samedi 11 septembre,
à 20h05...
Corinne Schneider
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Je suis heureux de diriger à nouveau, à l’occasion du Festival Ensemble(s), trois œuvres importantes de Beat Furrer : Linea dell’orizzonte (2012) pour ensemble (c’était jeudi) ; et deux œuvres plus anciennes : Spur (1998) pour quatuor à cordes et piano (ce soir), et Still (1998) pour ensemble (demain).
J’ai eu la chance de diriger Spur avec les musiciens du Klangforum Wien, l’ensemble de musique contemporaine viennois fondé par Beat Furrer en 1985. Pour ces musiciens, Spur de Beat Furrer est l’équivalent de Dérives 1 et 2 de Pierre Boulez pour les musiciens de l’Ensemble intercontemporain à Paris : c’est une pièce phare de leur répertoire qui constitue en quelque sorte leur identité.
Je suis familier du style très particulier de Beat Furrer qui compose une musique foisonnante, extrêmement virtuose, avec cette agitation interne de la matière sonore qu’il réalise à merveille et qui fait que son style est immédiatement reconnaissable.
Spur est une œuvre obsessionnelle ; elle repose sur très peu de motifs, il s’agit de figures extrêmement brèves, des gestes très repérables. Si elle est réduite, la matière sonore est extrêmement vivante car ces figures sont très actives. C’est un peu comme une pierre précieuse que l’on mettrait à tourner et qui révèlerait à chaque infime stade de sa rotation des reflets à chaque fois nouveaux.
Au cours de cette rotation des événements surgissent comme des arrêts subits : les silences tiennent un rôle important et sont constitutifs de la forme générale de l’œuvre.
Les musiciens de Court-circuit ont déjà interprété ce quintette sans être dirigés, mais je pense que cette œuvre gagne à être dirigée pour être certain de pouvoir maintenir le tempo rapide qui est demandé par Beat Furrer. La direction permet aussi au premier violon de se délester de la battue ; la partition de chaque instrumentiste est tellement foisonnante et virtuose qu’une direction permet à chaque musicien de se concentrer pleinement sur sa partie.
J’ai l’occasion de travailler avec de nombreux ensembles dédiés au répertoire de création en Europe. Chaque ensemble possède sa propre manière de travailler, plus ou moins vite. Les musiciens du Klangforum de Vienne passent par exemple beaucoup de temps à répéter lorsqu’ils préparent une création : ils répètent ensemble bien plus que les ensembles français. En France, on travaille différemment ; je crois que chacun aime se préparer de manière individuelle en amont pour arriver extrêmement prêt au moment de la mise en commun qui peut être assez brève. Dans ce dernier cas de figure, le temps imparti au travail avec le compositeur est assez restreint et il souffre souvent de ne pas pouvoir « tester » différentes possibilités de réalisation avec les musiciens.
Sunyeong Pak, la compositrice de The moment III: Rejoice, l’œuvre pour ensemble (flûte, clarinette, trompette, percussion, piano, violon et violoncelle) que nous allons créer dans quelques minutes, n’est malheureusement pas avec nous, donc je vais essayer de présenter la pièce sans elle. Il s’agit du troisième volet d’un triptyque (The Moment III) et certains éléments de la matière musicale de Rejoice proviennent des deux panneaux qui précèdent, mais on ne pourra se rendre compte de ce travail « cyclique » qu’en jouant dans la même soirée les trois œuvres. Rejoice commence de manière très mélismatique, hésitante, avec l’impression d’une absence de pulsation ; peu à peu, le temps devient strié et pulsé ; puis le discours oscille vraiment entre ces deux mondes. Sunyeong Pak travaille sur des situations momentanées, des instantanés en quelque sorte. Il résulte de son écriture une belle énergie et beaucoup de vitalité.
Juste une remarque : il y a beaucoup de faux unissons écrits et voulus par la compositrice dans la partition, alors n’allez pas imaginer que nous jouons faux !