Soir 1 -
Causette à la buvette avec Florent Caron Darras
le jeudi 9 septembre,
à 21h15,
juste avant la création de Territoires…
Corinne Schneider
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Je réalise actuellement un travail de recherche (un Doctorat de composition au sein de la formation doctorale Sacre du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris) sur la question de la temporalité du paysage sonore et son influence sur le travail de composition. Temporalité au sens large : ça peut être la forme, le développement, la question rythmique bien sûr…
Pendant les différents confinements de la pandémie, je suis parti faire du field recording d’abord en Val de Loire, entre Tour et Saumur, dans une grande forêt. Avec un ami nous avons posé des pièges à sons (des micros camouflés, hermétiques et protégés) que nous récupérions le lendemain matin, cela pendant quatre jours. Il faut des heures et des heures pour dérusher ces captations ; pour accélérer cette étape, j’ai utilisé un logiciel de sonagraphe afin de repérer dans un premier temps à l’œil les évolutions de l’enregistrement. La deuxième campagne d’enregistrement était en Normandie, du côté de Camembert, cette fois avec un micro ambisonique qui captait en trois dimensions. Une fois rentré, j’ai commencé par l’analyse de ces captations en essayant de leur trouver des points communs. Ce qui est apparu assez rapidement ce sont les récurrences et les micro-variations. J’ai remarqué que beaucoup de manifestations de faune avaient comme point commun une forme d’isochronie sinon d’isorythmie, c’est-à-dire des récurrences plutôt équidistantes dans le temps, qu’il s’agisse des insectes, des chouettes ou d’autres espèces. Je faisais le repérage d’un cri, d’un silence, d’un deuxième cri plus loin, puis d’un troisième, que je chronométrais toujours à la même distance.
Ma démarche n’est pas naturaliste dans le sens d’une imitation des modèles sonores.
Je me suis concentré sur les durées, je les ai analysées, jusqu’à en extraire des séries de rythmes qui me permettaient ensuite d’inventer mes propres séquences rythmiques, ou de les générer à l’aide d’algorithmes. Je pouvais ainsi produire des polyrythmies assez intéressantes. Cette pièce n’utilise pas de modèles sonores, elle ne puise pas son matériau dans l’environnement. Elle n’imite pas. C’est l’organisation du vivant qui est un point de départ à la composition, dans laquelle absolument tous les éléments, figures, motifs, harmonie, sont issus de mon imagination.
Une autre dimension m’a également intéressée dans Territoires, celle de la mise en espace.
Pendant la déambulation dans ces campagnes, les sons fixes se rapprochent de nous puis s’éloignent… Toute la pièce est basée sur un principe de lents crescendos et decrescendos réalisés en divers moments par divers instruments ou petits groupes d’instruments. Dans la texture globale, plusieurs éléments cohabitent ; ils apparaissent très pianissimo, et à un moment je décide de mettre en lumière une figure qui vient au premier plan et qui repart, toujours en tuilage, et je développe ce procédé pendant une quinzaine de minutes. Le résultat est un vaste tissu polyphonique avec émergences pensées spatialement, bien que les musiciens restent sur scène. Je me suis inspiré pour cela des musiques électroniques progressives, évolutives.