Soir 4 -
Causette à la buvette
« bilan et perspectives » avec les cinq directeurs artistiques

le dimanche 12 septembre,
à 19h30...

propos recueillis par
Corinne Schneider

Yann Robin, directeur artistique de l'ensemble Multilatérale

L’œuvre s’élabore tant que le désir existe… disait Paul Méfano. Si ce festival existe c’est parce qu’il y a ce désir : le désir collectif de rencontrer le public pendant quatre jours ; le désir de travailler tous les cinq ensemble ; le désir de construire aux côtés de nos équipes administratives et techniques ; et surtout, le désir de continuer tous ensemble, ça c’est certain.

Ce désir n’est pas né il y a deux ou trois ans, lorsque nous avons décidé d’initier ce festival ; c’est un désir que nous partageons depuis des années. Nous nous connaissons depuis quinze ou vingt ans et possédons chacun les bouts d’une histoire commune. Notre manière de travailler ensemble à l’élaboration de ce festival est la suivante : nous avons mis en place un comité artistique où nous réfléchissons tous les cinq à la programmation générale de chaque édition et à l’évolution de la forme du festival. Pour le futur, nous désirons ouvrir le festival à d’autres ensembles, français et étrangers. Nous avons chacun notre personnalité et des sensibilités artistiques différentes. Nous avons donc décidé de nous relayer et de nous passer le témoin de l’un à l’autre pour installer à chaque édition une couleur différente. L’année prochaine c’est Jérôme Combier qui prendra les orientations de l’édition 2022 pour la troisième édition du festival. Nous nous sommes déjà entendus pour l’attribution des deux commandes qui sont passées à la compositrice grecque Sofia Avramidou (née en 1988) et au compositeur italien Mauro Lanza (né en 1975). Quant à l’invitation de notre figure tutélaire, nous ne sommes pas encore tombés d’accord !

Gonzalo Bustos, directeur artistique de l'ensemble Sillages

La première édition du festival (septembre 2020), en pleine pandémie et entre deux confinements, fut un grand défi à relever. Nous avons réussi à créer ce festival et nous nous sommes quittés il y a un an avec l’envie décuplée de nous lancer dans la deuxième édition. La voici achevée et c’est pour nous tous une évidence d’engranger le troisième opus pour septembre 2022.

Philippe Hurel, directeur artistique de l'ensemble Court-circuit

Que dire des projets à venir, puisque nous sommes encore en train de discuter et nos discussions ne sont pas aussi tendres qu’elles peuvent paraître : nous nous étripons parfois pour parvenir à nous entendre… mais c’est justement ce débat qui est très intéressant !

Je voudrais rebondir sur l’idée de Paul Méfano qui énonçait dans l’hommage qui lui a été rendu, que le support de la diffusion de l’œuvre moderne se devait d’être moderne, en s’appuyant sur Kandinsky : « Ce qui est nouveau ne peut pas être présenté avec des formes anciennes… » C’est un sujet qui nous préoccupe depuis trente, voire quarante ans. Dernièrement, on a encore entendu dire : « le concert est mort ». Dans ce registre, le directeur actuel du Festival Musica de Strasbourg considère que le concert est un « vieux machin » et soutient qu’il faut changer de paradigme. Je suis contre cette idée-là. C’est comme si on disait : « le livre est fini » ; ce qui est absurde. Différentes formes d’expression de la création peuvent vivre ensemble : il y a de la place et de l’avenir pour la performance et pour le concert, pour l’improvisation et pour la musique écrite.

Le monde de la création est pluriel et nous prônons la tolérance à l’égard des différentes formes d’expression artistique.

Dans ce débat, nous nous sommes positionnés. Voici la question que nous posons : « Ne serait-ce pas le moment de défendre les musiques écrites ? ». Nous constatons chaque jour la perte de vitesse de l’écrit. Nous vivons une période très marquée par l’angoisse de la disparition, la disparition d’une civilisation, mais aussi la disparition de la biodiversité. Et je pense que les artistes font partie de cette biodiversité. Écrire aujourd’hui est un défi plus grand qu’écrire au XIXe siècle. Les œuvres que nous écrivons aujourd’hui sont comme des bouteilles lancées à la mer… C’est la raison pour laquelle nous avons créé ce festival. Nous voulons presser le mouvement pour partager nos travaux.

Pour moi, ce festival fait aussi partie d’une raison écologique : nous avons besoin de partager maintenant parce qu’il sera peut-être trop tard un jour. Mais pour revenir à l’idée de Paul Méfano (la diffusion de la musique de création doit sans cesse réinventer ses moyens…) : nos moyens ne sont pour l’instant pas aussi modernes que nous le voudrions. Nous devons encore réfléchir et sans doute multiplier les lieux de ce festival et donc les publics.

Nous ne sommes qu’au début de l’aventure, une aventure qui a débuté en pleine pandémie donc avec des contraintes énormes et tout reste encore à imaginer.

Jérôme Combier, directeur artistique de l'ensemble Cairn

Pour aller dans la même direction que ce que vient d’exposer Philippe, je citerai Christian Prigent : A quoi bon encore des poètes ? (son ouvrage de 1996). Il n’y a peut-être pas beaucoup de lecteurs (d’ailleurs qui d’entre nous ici même lit de la poésie de poètes de moins de cinquante ans ?), mais pourtant il y a toujours des poètes qui travaillent et réfléchissent.

Je pense que la création musicale qui est la nôtre est de même nature que celle des poètes. C’est un travail en lisière de tout : en lisière du langage et parfois même de la société. Ce festival est né de la volonté de partager ces travaux et vous voir aussi nombreux répondre à cette invitation témoigne de l’existence possible de cet espace de rencontre entre vous et nous.

Fernando Fiszbein, directeur artistique de l'ensemble 2e2m

Je partage absolument tout ce qui vient d’être si bien dit ainsi que les choix qui ont été fait jusque-là pour ce festival naissant. Je voudrais mettre l’accent sur le fait de penser à une salle plus grande pour plus tard, à la fois pour pouvoir rassembler les ensembles sur scène en grand effectif, mais aussi pour accueillir un public encore plus large.

Nous sommes une bonne bande : merci pour cela ! Et merci pour cette écoute collective que nous avons eue, tous ensemble, en entendant naître tant de nouvelle musique pendant ces quatre jours !

Soir 4 -
Causette à la buvette « bilan et perspectives »
avec les cinq directeurs artistiques

le dimanche 12 septembre, à 19h30...

propos recueillis par Corinne Schneider

Yann Robin, directeur artistique de l'ensemble Multilatérale

L’œuvre s’élabore tant que le désir existe… disait Paul Méfano. Si ce festival existe c’est parce qu’il y a ce désir : le désir collectif de rencontrer le public pendant quatre jours ; le désir de travailler tous les cinq ensemble ; le désir de construire aux côtés de nos équipes administratives et techniques ; et surtout, le désir de continuer tous ensemble, ça c’est certain.

Ce désir n’est pas né il y a deux ou trois ans, lorsque nous avons décidé d’initier ce festival ; c’est un désir que nous partageons depuis des années. Nous nous connaissons depuis quinze ou vingt ans et possédons chacun les bouts d’une histoire commune. Notre manière de travailler ensemble à l’élaboration de ce festival est la suivante : nous avons mis en place un comité artistique où nous réfléchissons tous les cinq à la programmation générale de chaque édition et à l’évolution de la forme du festival. Pour le futur, nous désirons ouvrir le festival à d’autres ensembles, français et étrangers. Nous avons chacun notre personnalité et des sensibilités artistiques différentes. Nous avons donc décidé de nous relayer et de nous passer le témoin de l’un à l’autre pour installer à chaque édition une couleur différente. L’année prochaine c’est Jérôme Combier qui prendra les orientations de l’édition 2022 pour la troisième édition du festival. Nous nous sommes déjà entendus pour l’attribution des deux commandes qui sont passées à la compositrice grecque Sofia Avramidou (née en 1988) et au compositeur italien Mauro Lanza (né en 1975). Quant à l’invitation de notre figure tutélaire, nous ne sommes pas encore tombés d’accord !

Gonzalo Bustos, directeur artistique de l'ensemble Sillages

La première édition du festival (septembre 2020), en pleine pandémie et entre deux confinements, fut un grand défi à relever. Nous avons réussi à créer ce festival et nous nous sommes quittés il y a un an avec l’envie décuplée de nous lancer dans la deuxième édition. La voici achevée et c’est pour nous tous une évidence d’engranger le troisième opus pour septembre 2022.

Philippe Hurel, directeur artistique de l'ensemble Court-circuit

Que dire des projets à venir, puisque nous sommes encore en train de discuter et nos discussions ne sont pas aussi tendres qu’elles peuvent paraître : nous nous étripons parfois pour parvenir à nous entendre… mais c’est justement ce débat qui est très intéressant !
Je voudrais rebondir sur l’idée de Paul Méfano qui énonçait dans l’hommage qui lui a été rendu, que le support de la diffusion de l’œuvre moderne se devait d’être moderne, en s’appuyant sur Kandinsky : « Ce qui est nouveau ne peut pas être présenté avec des formes anciennes… » C’est un sujet qui nous préoccupe depuis trente, voire quarante ans. Dernièrement, on a encore entendu dire : « le concert est mort ». Dans ce registre, le directeur actuel du Festival Musica de Strasbourg considère que le concert est un « vieux machin » et soutient qu’il faut changer de paradigme. Je suis contre cette idée-là. C’est comme si on disait : « le livre est fini » ; ce qui est absurde. Différentes formes d’expression de la création peuvent vivre ensemble : il y a de la place et de l’avenir pour la performance et pour le concert, pour l’improvisation et pour la musique écrite.

Le monde de la création est pluriel et nous prônons la tolérance à l’égard des différentes formes d’expression artistique.

Dans ce débat, nous nous sommes positionnés. Voici la question que nous posons : « Ne serait-ce pas le moment de défendre les musiques écrites ? ». Nous constatons chaque jour la perte de vitesse de l’écrit. Nous vivons une période très marquée par l’angoisse de la disparition, la disparition d’une civilisation, mais aussi la disparition de la biodiversité. Et je pense que les artistes font partie de cette biodiversité. Écrire aujourd’hui est un défi plus grand qu’écrire au XIXe siècle. Les œuvres que nous écrivons aujourd’hui sont comme des bouteilles lancées à la mer… C’est la raison pour laquelle nous avons créé ce festival. Nous voulons presser le mouvement pour partager nos travaux.
Pour moi, ce festival fait aussi partie d’une raison écologique : nous avons besoin de partager maintenant parce qu’il sera peut-être trop tard un jour. Mais pour revenir à l’idée de Paul Méfano (la diffusion de la musique de création doit sans cesse réinventer ses moyens…) : nos moyens ne sont pour l’instant pas aussi modernes que nous le voudrions. Nous devons encore réfléchir et sans doute multiplier les lieux de ce festival et donc les publics.

Nous ne sommes qu’au début de l’aventure, une aventure qui a débuté en pleine pandémie donc avec des contraintes énormes et tout reste encore à imaginer.

Jérôme Combier, directeur artistique de l'ensemble Cairn

Pour aller dans la même direction que ce que vient d’exposer Philippe, je citerai Christian Prigent : A quoi bon encore des poètes ? (son ouvrage de 1996). Il n’y a peut-être pas beaucoup de lecteurs (d’ailleurs qui d’entre nous ici même lit de la poésie de poètes de moins de cinquante ans ?), mais pourtant il y a toujours des poètes qui travaillent et réfléchissent.
Je pense que la création musicale qui est la nôtre est de même nature que celle des poètes. C’est un travail en lisière de tout : en lisière du langage et parfois même de la société. Ce festival est né de la volonté de partager ces travaux et vous voir aussi nombreux répondre à cette invitation témoigne de l’existence possible de cet espace de rencontre entre vous et nous.

Fernando Fiszbein, directeur artistique de l'ensemble 2e2m

Je partage absolument tout ce qui vient d’être si bien dit ainsi que les choix qui ont été fait jusque-là pour ce festival naissant. Je voudrais mettre l’accent sur le fait de penser à une salle plus grande pour plus tard, à la fois pour pouvoir rassembler les ensembles sur scène en grand effectif, mais aussi pour accueillir un public encore plus large.

Nous sommes une bonne bande : merci pour cela ! Et merci pour cette écoute collective que nous avons eue, tous ensemble, en entendant naître tant de nouvelle musique pendant ces quatre jours !